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Dans le paddock, dans les médias, on ne parle que de ça : la complexité des monoplaces, due à leur caractère hybride. Et en effet, au moteur thermique et au KERS que l’on trouvait l’an passé
sous le capot des bolides s’est ajoutée, cette saison, une kyrielle de nouveaux composants : un deuxième générateur électrique (le MGU-H), une batterie surpuissante, un système de freinage
électronique, un débitmètre, un circuit de refroidissement très développé, etc. Or, si l’on pénètre l’envers du décor, on s’aperçoit bien vite que cette sophistication dans la conception
implique des interventions beaucoup plus ardues pour les mécaniciens chargés de la maintenance et de la réparation de monoplaces bourrées d’électronique. Pour savoir comment avait changé le
travail des mécanos, _F1I_ a rencontré Joe Robinson, le mécanicien numéro un de Sebastian Vettel chez Red Bull. Poignée de main franche, verbe précis : ce membre indéboulonnable du garage
Red Bull carbure à la passion et à la rigueur. LE PACKAGE DES VOITURES 2014 EST EXTRÊMEMENT COMPACT : DE VÉRITABLES USINES À GAZ ! “Oui, la voiture est devenue plus complexe quant à
l’installation du moteur, mais ce n’est pas tout. Le système de frein électronique (‘brake by wire’) n’a rien à voir avec ce que nous connaissions ces dernières saisons, même si c’est sans
doute l’ERS qui marque le plus gros changement. Dans le package de l’an passé, le KERS était un élément presque séparé du moteur, installé sur le côté avec la batterie, etc. Maintenant, tout
est imbriqué, tous les éléments sont enchevêtrés : les freins sont liés à l’ERS, qui se fond dans le moteur thermique, auquel sont associés l’alimentation du turbo et le système chargé de
refroidir l’ensemble… Le refroidissement est lui aussi deux à trois fois plus compliqué : il faut refroidir séparément le MGU-K, le MGU-H, la batterie, l’air comprimé (via l’intercooler), le
bloc moteur, la transmission, etc. C’est bien simple : toutes les opérations sont plus longues. Et puis, comme il y a beaucoup plus d’électronique et de systèmes informatiques, on passe
davantage de temps avec les ingénieurs, les gars de la télémétrie.” EN QUOI CETTE SOPHISTICATION COMPLIQUE-T-ELLE VOTRE TRAVAIL ? “La voiture n’est pas plus grande que l’année passée, mais
elle contient des centaines de pièces en plus. Du coup, l’accessibilité est devenue vraiment problématique : certains éléments sont enfouis très profondément. Pour y accéder, vous devez
démonter des dizaines d’autres composants. La pire panne serait de devoir changer le faisceau de câbles électriques de la voiture, parce qu’il faut commencer par ôter la boîte de vitesses,
ce qui implique de démonter le système de compression de l’air, ensuite retirer le moteur, y compris le système de récupération de l’énergie, et enfin enlever les circuits de
refroidissement… Et alors seulement, vous pouvez commencer à travailler sur le câblage électrique. Une panne d’ERS serait tout autant catastrophique, car il faudrait travailler avec des
gants en caoutchouc jusqu’à ce que la batterie soit isolée, ce qui est particulièrement ardu avec ces voitures remplies à ras-bord !” DU COUP, LA PRÉPARATION ET L’ENTRETIEN DES MONOPLACES
EST BEAUCOUP PLUS LONG… “Exact. L’an passé, on pouvait changer un moteur complet en moins de deux heures : maintenant, il en faut au moins trois. Et c’est encore beaucoup plus long s’il faut
monter des éléments d’un moteur sur un autre. La difficulté, c’est qu’il faut aller davantage dans le détail, même si on a moins de temps, car la moindre approximation dans le montage de la
voiture peut avoir d’énormes conséquences. Je dirais que le fait que tout soit aussi interdépendant a deux conséquences pour les mécaniciens. Premièrement, nous devons être plus précis dans
notre diagnostic en cas de panne, afin d’isoler le bon paramètre, car si on se trompe ou si on cherche dans trop de directions à la fois, on risque de perdre beaucoup de temps, étant donné
que les manipulations sont trois fois plus nombreuses. Ensuite, nous avons davantage de travail en cas d’incident. Si le moteur tombe en panne, il y a un risque que le système de
refroidissement soit endommagé, ce qui peut, par contrecoup, altérer le boîtier électronique, qui aura eu trop chaud…” COMMENT FAITES-VOUS POUR RÉALISER TOUTES LES INTERVENTIONS NÉCESSAIRES,
ALORS QUE LES HORAIRES – TRÈS ENCADRÉS (AVEC LE COUVRE-FEU) – N’ONT PAS ÉTÉ ÉTENDUS ? “En effet, nous n’avons pas plus temps que l’an dernier, alors que les voitures sont beaucoup plus
compliquées. Nous devons donc travailler plus intelligemment. Il faut que nos procédures soient plus précises, que nous soyons mieux organisés, aussi. Pour ce faire, nous avons développé la
polyvalence de nos techniciens. Par exemple, quand le mécano spécialiste de la transmission a fini son boulot sur la boîte de vitesses, il s’occupe d’une autre partie de la voiture.” Y
A-T-IL DAVANTAGE DE MÉCANICIENS DANS LE GARAGE ? “Hélas, non ! [Rires] Il n’y a pas plus de gars qu’avant. Renault, par contre, amène une personne supplémentaire [sur chaque voiture, le
motoriste français délègue un ingénieur, un mécanicien, un électricien et un ingénieur performance, qui travaille en collaboration avec l’écurie et s’occupe de la gestion de l’énergie].”
AVEZ-VOUS ÉTÉ FORMÉS AUX NOUVELLES PROCÉDURES QU’IMPLIQUE LA TECHNOLOGIE HYBRIDE ? “On ne peut pas vraiment se former avant de recevoir la voiture… juste avant le début des essais hivernaux
! On a donc appris sur le tas, spécialement lors des premiers tests. Comme les voitures sont encore dans la première année de leur développement, beaucoup de systèmes restent lourds à
exploiter. Mais nous apprenons au fil des courses, et nous intervenons de plus en plus rapidement sur les voitures.” LA PUISSANCE DE L’ERS A DOUBLÉ, ET LA TENSION MAXIMALE DE LA BATTERIE EST
FIXÉE À 1000 VOLTS. EST-CE DEVENU PLUS DANGEREUX DE TRAVAILLER SUR LES VOITURES ? “Non, pas vraiment, car nous suivons toujours à la lettre les procédures, même quand le temps est compté.
Il faut toujours garder la tête froide dans ces moments-là. Il n’y a que deux personnes qui travaillent sur l’ERS : un électricien et le mécanicien n° 1, soit moi-même sur la voiture de
Sebastian, et Chris [Gent] sur la monoplace de Daniel [Ricciardo].” VOUS ARRIVE-T-IL DE DEMANDER AU BUREAU D’ÉTUDES DE REDESSINER CERTAINES PIÈCES, QUI SE RÉVÈLENT PEU PRATIQUES À L’USAGE ?
“Oui. La priorité du développement va bien sûr à la fiabilité et à la performance, mais si des ressources restent encore disponibles, alors nous collaborons avec les designers pour rectifier
le dessin de certaines pièces. Cette année spécialement, nous échangeons beaucoup d’informations avec le bureau d’études. Celui-ci nous fournit le meilleur matériel en termes de
performances et nous lui faisons part de nos commentaires quant à sa facilité d’utilisation, en suggérant des améliorations, des dessins plus pratiques, etc. Il s’agit souvent de détails,
mais qui peuvent nous faire gagner du temps et nous permettre d’opérer plus efficacement sur la voiture. Le processus est continu : à l’exception de la monocoque en carbone, du carter de
transmission et du moteur, qui est homologué, il n’y aura quasiment aucune pièce en commun entre la voiture qui a couru en Australie et celle qui terminera la saison à Abou Dhabi.” _Dans un
prochain article, Joe Robinson nous racontera, de l'intérieur, sa collaboration avec Sebastian Vettel._