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En attendant, sa stature politique se façonne. Comme l’atteste l’enquête de confiance de notre partenaire Toluna-Harris Interactive. « MEL » plie le match face à Mélenchon et passe même
d’une courte majorité face à Marine Le Pen. Seul Edouard Philippe lui résiste. Une performance pour quelqu’un qui n’a pas d’appareil et ne fait pas campagne_. « Son discours sur le pouvoir
d’achat, question clé après deux ans d’inflation, apparaît comme crédible, sincère et légitime »,_ observe Jean-Daniel Lévy, directeur délégué de Toluna-Harris Interactive. Mais si
Michel-Edouard Leclerc se tâte à l’idée de descendre dans l’arène politique, c’est aussi parce que le contexte pourrait devenir favorable à une candidature iconoclaste, la sienne ou une
autre. _« Les scénarios les plus figés dans les démocraties occidentales ne sont plus crédibles aujourd’hui »,_ insiste Jean-Daniel Lévy. Affaiblissement de l’autorité des partis et de la
classe politique – 90 % des Français considèrent que les hommes politiques n’ont plus de projet de société (Havas) –, polarisation des votes et éclatement du bloc central, crise de la dette,
multiplication des tensions internationales sont autant de facteurs qui peuvent faire émerger des candidats hors système, comme le judoka Teddy Riner ou l’homme d’affaires Pierre-Edouard
Stérin. UNE « RHÉTORIQUE DE LA PERFORMANCE ET DE L’EFFICACITÉ » Cyril Hanouna a clarifié sa position en précisant qu’il ne se lancera pas mais continuera à se faire entendre. L’animateur
sera d’ailleurs l’invité le 19 juin du très sélect Chinese Business Club devant un parterre de centaines de dirigeants. Il vient aussi de créer Chapchak, son agence d’influence à destination
des entrepreneurs ou politiques. Le profil du « patron candidat » peut apparaître d’emblée plus rassurant : _« Ils ont un côté bon gestionnaire et une capacité à délivrer qui dans un
contexte de déficits structurels est un élément clé »_, reconnaît Bernard Sananes, président de l’institut Elabe. A la question : pensez-vous que la France serait mieux réformée si on
confiait les responsabilités à un chef d’entreprise ? 66 % des Français répondent favorablement dans la 4e édition d’une enquête réalisée par Havas Paris. Un score inégalé qui pourrait
étonner dans une France habituellement critique à l’endroit du patronat, vite réduit à la question de salaires dispendieux. Face à un Etat de plus en plus défaillant, les grands patrons
mettent en scène une _« rhétorique de la performance et de l’efficacité »_, développe Benoît Heilbrunn, professeur à l’ESCP. C’est le cortège de barons du capitalisme français au chevet de
Notre-Dame ou c’est Bernard Arnault, PDG de LVMH (actionnaire de _Challenges_), qui négocie en direct des droits de douane avec Trump. « RARES SONT LES CHEFS D’ENTREPRISE QUI DANS L’HISTOIRE
ONT TRANSFORMÉ L’ESSAI » Mais prudence, quand on creuse un peu et que l’on interroge les Français sur la capacité technique d’un dirigeant à s’attaquer aux dossiers lourds qui plombent le
pays (sécurité, santé, retraites ou politique étrangère…), la mutation du patron en homme politique ne fonctionne plus vraiment. L’opinion publique ne leur accorde une crédibilité que sur le
cadre restreint de leur domaine de compétence : l’emploi et la compétitivité des entreprises. Rien de plus. D’ailleurs, aucun patron n’ose pour l’heure véritablement prendre le risque d’une
candidature. Car, contrairement aux Etats-Unis où les frontières entre sphères publique et privée sont poreuses – Trump a nommé pas moins de neuf chefs d’entreprise milliardaires dans son
proche entourage aux postes clés de l’administration fédérale –, les deux cultures restent ici assez étanches. _« Rares sont les chefs d’entreprise qui dans l’histoire ont transformé
l’essai_, pointe le politologue Pascal Perrineau, _Thierry Breton, Francis Mer, Serge Dassault ou l’entrepreneur Denis Payre n’ont pas été des contre-exemples très probants. Car, au-delà
d’une fine connaissance de l’appareil d’Etat, il faut être capable d’aller au contact des gens, montrer qu’on aime cette forme de proximité avec le peuple, c’est loin d’être évident. »_ Dans
notre enquête, où sont testés Xavier Niel, Laurence Parisot, Jean-Michel Aulas et Vincent Bolloré, aucun, à l’exception de Michel-Edouard Leclerc, ne sort vraiment du lot. Comme le
porte-parole de Leclerc, le fondateur de Free tâte le terrain avec la publication d’un livre, il y a huit mois, qui a tout du manifeste politique (_Une sacrée envie de foutre le bordel,_
Flammarion). Et entretient le flou sur ses intentions. « DOUCHE FROIDE » FRANÇAISE Sans être forcément candidats, les patrons cherchent néanmoins à peser dans le débat politique. C’est ce
que certains s’efforcent de faire avec une nouvelle intensité depuis quelques mois. Le lien entre le patronat et la vie publique a toujours plus ou moins existé. C’est le fameux discours de
Marseille d’Antoine Riboud de 1972 où il pose le cadre de la responsabilité sociale de l’entreprise. Mais depuis la dissolution de juin dernier et la crainte de la fin d’une politique
probusiness, le discours des dirigeants est remonté d’un cran. Résultats annuels d’entreprise, assemblée générale, multiplication des auditions à l’Assemblée nationale ou au Sénat (9
commissions d’enquête depuis juin 2024, contre 8 entre 2007 et 2012) sont autant de nouvelles tribunes pour patron du CAC désireux de faire passer quelques messages bien ciblés. _« Quand on
voit qu’on s’apprête à augmenter de 40 % les impôts des entreprises qui fabriquent en France, c’est incroyable. Pour pousser à la délocalisation c’est idéal »,_ s’est enflammé Bernard
Arnault fin janvier lors des résultats de LVMH. Il rentrait tout juste de l’intronisation de Donald Trump encore marqué par _« l’optimisme »_ américain et choqué par l’accueil français en
forme de _« douche froide »._ Une sortie peu habituelle pour ce patron qui limite ses interventions publiques. L’opinion suivrait : _« 56 % des Français comprennent la colère de Bernard
Arnault »_, révèle Bernard Sananes dans un sondage Elabe réalisé dans la foulée de cette déclaration et jamais rendu public à ce jour. UN DÉBAT POLITIQUE ANESTHÉSIÉ Bernard Arnault n’est pas
le premier à sortir du bois. Une semaine plus tôt, Florent Menegaux, PDG de Michelin, ouvrait le bal à l’occasion d’une audition au Sénat. La démonstration de la perte de compétitivité de
l’industrie française et européenne, avec des coûts du travail et de l’énergie démesurés par rapport à l’Asie, est implacable. Et permet de justifier la fermeture de deux usines en France.
Un discours qui passe d’autant mieux que quelques mois plus tôt Michelin avait annoncé son plan mondial pour un salaire décent. _Droits de douane américains, trou budgétaire français… les
patrons sur le pied de guerre face aux chocs à venir_ Depuis, la parole patronale se libère. C’est Olivier Andriès (Safran) qui s’en prend au pouvoir de blocage des villes détenues par les
écologistes, Patrick Pouyanné (TotalEnergies) qui fustige l’incapacité de l’Etat à _« gérer les petits projets dans les énergies renouvelables »_, ou encore le duo Luca de Meo (Renault) -
John Elkann (Stellantis), pourtant concurrents, qui dénonce en chœur les blocages technocratiques. Chaque semaine ou presque apporte son nouveau lot. _« Les acteurs patronaux viennent
combler le vide laissé par un débat politique anesthésié depuis la dissolution »_, observe Pascal Perrineau. A deux ans de la présidentielle, la campagne a déjà commencé, mais sous une forme
assez inédite.