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Larry Ellison est aux anges. A 80 ans, son fondateur a été invité à Washington avec Sam Altman, le patron d’OpenAI, et Masayoshi Son, PDG de SoftBank, pour préciser les contours de ce
chantier. _« Les centres de données sont en voie de construction au Texas,_ affirme Larry Ellison. _Dix bâtiments sont en train de sortir de terre, et ils seront bientôt vingt. »_
L’administration Trump lui a donné carte blanche pour édifier cet immense réseau d’infrastructure. Elle compte sur lui pour faire de ce projet une réussite et orchestrer la démonstration de
force vis-à-vis de la Chine. 3 % DU MARCHÉ DU CLOUD Même après cinquante ans de carrière, le vieux tigre de la tech n’est pas encore rassasié, plus féroce que jamais. Le grand « Larry » est
en pleine forme et n’a jamais été aussi investi dans les affaires de son pays, avec une fortune estimée à plus de 210 milliards de dollars, quatrième mondiale, selon le magazine _Forbes_.
Depuis 2020, il s’est officiellement retiré sur son île privée à Lanai, dans l’archipel d’Hawaï, où il a fondé sa foodtech Sensei Ag, dans laquelle il a injecté plus de 500 millions de
dollars. Plus que ce qu’il a déboursé pour son île. Et sans résultat pour le moment. Il conserve également son poste de directeur technique d’Oracle et continue de présenter les résultats
financiers avec Safra Catz, sa PDG, à chaque semestre. L’homme a pris un peu de hauteur, mais c’est bien lui, et non son rival de Microsoft, Satya Nadella, qui a été choisi par Trump pour
figurer sur la photo de famille de Stargate, le premier jour de son mandat. Contre toute attente, Ellison a réussi à remettre Oracle dans une course qui semblait perdue d’avance pour
l’entreprise, celle de l’IA et des centres de données. Un exploit, tant la bataille est rude entre les géants de la tech pour s’approprier cette puissance de calcul, dominée par Microsoft,
Amazon et Google : Oracle ne contrôle que 3 % du marché du cloud, ce qui n’empêche pas Larry Ellison de mettre toute son énergie pour revenir dans la partie. UNE PROXIMITÉ STRATÉGIQUE AVEC
TRUMP _« Il est ultracompétitif »,_ témoigne Bernard Liautaud, qui a croisé son chemin lorsque le milliardaire a voulu racheter sa société, Business Objects, finalement cédée à l’allemand
SAP. Rien ne l’arrête : _« Nous avons déjà obtenu les permis de construire pour trois petits réacteurs nucléaires,_ annonçait-il en septembre dernier, en réponse aux interrogations sur
l’alimentation électrique de ces énormes centres de données, très énergivores. _C’est dire à quel point les choses sont devenues folles. »_ Se voyant immortel, Larry Ellison voudrait
utiliser ces centres de données pour guérir des maladies rares et découvrir de nouveaux vaccins. _« A l’aide de l’IA, nous pourrions détecter les cancers à partir d’un simple échantillon de
sang »,_ se prend-il à rêver devant un Donald Trump conquis. Sous sa barbe finement taillée, la même depuis plus de vingt ans, le personnage n’a pas changé. Tout juste quelques rides se
sont-elles accrochées à ses joues, soigneusement épilées, le visage marmoréen. Le fondateur d’Oracle a réussi à se placer auprès du président, qui s’en est fait un allié dans ses projets les
plus fous. Il cultive une proximité stratégique avec Trump, depuis son premier mandat. Il a soutenu toutes ses campagnes, jusqu’à l’inviter dans son manoir de Rancho Mirage, au sud de la
Californie, en 2020. _« Larry est une personne extraordinaire et un grand homme d’affaires »,_ clame le président aujourd’hui. Le vétéran de la tech est devenu l’un des piliers dans les
projets de la nouvelle administration, un peu à la manière de son ami Elon Musk. Le patron de SpaceX sait ce qu’il lui doit. Le milliardaire l’a aidé à racheter Twitter en 2022. Sans lui,
peut-être n’aurait-il jamais eu une telle influence. LES INTÉRÊTS D’ORACLE PASSENT AVANT LES AUTRES Le patriarche s’est imposé comme une sorte de parrain à Washington. Il y possède même une
petite maison à Capitol Hill, où des rencontres avec les sénateurs sont organisées par Ken Glueck, vice-président exécutif d’Oracle, son meilleur lobbyiste. Ce mauvais génie, qui le
conseille dans les allées du pouvoir, est devenu un complice avec le temps._ « Non merci », _répondra ce dernier aux sollicitations pour parler de cette amitié vieille de vingt ans.
Ensemble, ils intriguent. Ils traînent Google dans un procès de dix ans, l’accusant d’avoir volé le langage de programmation, Java, pour développer son système d’exploitation Android. Ils
montent des dossiers contre leurs adversaires et attirent l’attention des régulateurs sur leur concurrent Amazon dans le cadre du contrat JEDI, une commande lancée par le Pentagone sans
avoir été mise en concurrence en 2019. Avec lui, Larry Ellison a appris à parler aux puissants. L’été dernier, l’entrepreneur s’est ainsi rapproché de l’ancien Premier ministre britannique
Tony Blair, en l’invitant sur son yacht géant, le _Musashi,_ pour qu’il lui ouvre les portes de son pays. Oracle miroite les données de l’agence britannique de santé, la NHS, pour lui vendre
ses systèmes de soin, l’une de ses spécialités depuis le rachat de Cerner, sa plus grosse acquisition bouclée pour 28,3 milliards de dollars. Les intérêts d’Oracle passent avant les autres,
par tous les moyens. GAGNER LA COMPÉTITION CONTRE LA CHINE La Maison-Blanche est l’endroit idéal pour faire avancer son agenda. Larry Ellison est, aujourd’hui, profondément aligné avec
Donald Trump. Quand le président américain cherche un milliardaire pour racheter le réseau social chinois TikTok, c’est vers lui qu’il se tourne. En 2020, Oracle avait même proposé
d’héberger les données des utilisateurs américains sur ses serveurs. Le projet, alors baptisé « Texas », n’a jamais vu le jour. Ses décisions peuvent être brutales, comme lorsqu’il décide de
retirer ses activités de Chine. _« Quand Larry veut partir d’un pays, il s’en va »,_ témoigne Christophe Négrier, directeur général d’Oracle en France qui ne cache pas son admiration pour
ce patron, dont il apprécie la liberté et les volte-face. _« Il est imprévisible,_ confie un autre salarié d’Oracle._ Avec lui, c’est toujours la surprise du chef. »_ Le milliardaire a
toujours tenu à faire passer l’intérêt américain avant celui des autres. _« Il est important que notre système capitaliste remporte la bataille et gagne la compétition contre la Chine »,_
affirme-t-il dans un entretien diffusé sur la chaîne de télévision américaine Fox News. N’a-t-il pas commencé sa carrière dans l’informatique en travaillant sur des bases de données secrètes
pour la CIA ? Un certain projet Oracle, dont il reprendra le nom au moment de rebaptiser son entreprise en 1982. L’homme est un patriote, un vrai Américain d’abord, qui soigne ses relations
avec les responsables du Pentagone, comme Mike Pompeo, ancien directeur de la CIA, et s’en était déjà pris dans le passé au lanceur d’alerte Edward Snowden, pour avoir fui à Moscou. DEVENIR
LE NOUVEAU ROI DE HOLLYWOOD Ce n’est pas le seul point d’accord qu’il partage avec le pouvoir actuel. Le rejet de la Californie le range, de fait, parmi ces nouveaux visages de la tech
conservatrice. _« Larry a toujours aimé jouer au _bad boy_ de la Silicon Valley »,_ rappelle Denis Payre, ancien représentant d’Oracle auprès de ses grands clients français. Le milliardaire
a été l’un des premiers à rompre avec la Silicon Valley en imposant la grande migration d’Oracle vers Austin, au Texas. Il trouve la Californie trop _« complaisante »,_ explique-t-il dans un
entretien au _Wall Street Journal_, trop tiède pour un caractère bouillonnant comme le sien. _« Après la chute du mur de Berlin, il avait racheté un vieux MiG russe qu’il pilotait dans le
désert de Californie »,_ se remémore Denis Payre. Cet amateur de sensations fortes les trouve aujourd’hui dans le sport. Après avoir brillé sur les mers en remportant deux fois la Coupe de
l’America, en 2010 et 2013, il se concentre sur le tennis et organise chaque année un tournoi dans la vallée de Coachella, en plein désert. Le BNP Paribas Open d’Indian Wells est considéré
comme le cinquième Grand Chelem par les plus grands champions, comme Rafael Nadal, qu’il a hébergé chez lui pendant les tournois. Il a aussi investi dans la Formule 1 en rapprochant Oracle
de l’écurie de Red Bull pour analyser les données de ses courses. Lire aussi Mais il s’est récemment trouvé une autre ambition avec son fils, David Ellison, lui aussi accro aux sports
extrêmes et pilote d’avion de chasse : devenir le nouveau roi de Hollywood. Le milliardaire aide en ce moment son héritier à racheter les studios Paramount. Comme sa sœur Megan Ellison, qui
a pris ses distances avec la famille, car lesbienne et progressiste, David Ellison a trouvé son chemin dans le cinéma en produisant des blockbusters. Il possède la société Skydance, qui
pourrait absorber Paramount et les 28 chaînes de télévision de sa filiale, CBS, si les autorités de régulation américaines l’y autorisent. L’issue de ce deal à 8 milliards de dollars est
encore incertaine. Donald Trump a engagé l’an dernier des poursuites contre l’émission _60 Minutes_ de CBS News. Le président réclame _« 20 milliards de dollars »_ à la chaîne pour une
interview coupée au montage de sa rivale démocrate, Kamala Harris. Ira-t-il jusqu’à faire échouer la vente ? Il y a parfois du bon à être ami de Donald Trump et à posséder ses entrées à
Washington.