Pourquoi macron est moins allant sur l’esg que le cac 40


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CHALLENGES – UNE LOI VIENT REPORTER DE DEUX ANS L’APPLICATION DE LA LOI QUI TRANSPOSAIT LA FAMEUSE DIRECTIVE CORPORATE SUSTAINABILITY REPORTING DIRECTIVE (CSRD). DIRECTIVE QUE LA FRANCE


AVAIT SOUTENUE À BRUXELLES. EMMANUEL MACRON S’EST PAR AILLEURS PRONONCÉ POUR LA SUPPRESSION DE LA DIRECTIVE EUROPÉENNE SUR LE DEVOIR DE VIGILANCE. QUE PENSER DE CES ALLERS-RETOURS ?


BÉNÉDICTE HAUTEFORT — C’est un mauvais signal mais on peut espérer que ce n’est qu’un ralentissement et non un aller-retour. Le législateur français était jusqu’ici en avance, il s’aligne à


présent sur les voisins européens. Cela ne veut pas dire que les entreprises se démobilisent, au contraire, Les grandes entreprises communiquent déjà sous la norme CSRD, en France mais aussi


en Allemagne ou en Espagne où ce n’est pas obligatoire. LA FRANCE, JADIS EN POINTE SUR LES SUJETS D’ESG, EST-ELLE EN TRAIN DE CÉDER AU « ESG BASHING » IMPORTÉ DES ETATS-UNIS ? Ce que l’on


constate c’est que l’ESG bashing séduit en Europe une partie de l’opinion publique et du patronat. Il nous vient des Etats-Unis, oui, mais il faut nuancer : il se concentre là-bas sur les


sujets environnementaux. Il séduit le monde politique et les entreprises concernées par les énergies fossiles, pétrole et gaz de schiste, qui versent les plus gros dividendes, et n’ont pas


voulu investir dans les énergies renouvelables. Et le consommateur est moins demandeur que chez nous, car le prix du carburant est beaucoup moins cher qu’en Europe. Lire aussi Mais


simultanément, la transparence sur les volets sociaux se développe, en Californie par exemple, et dans tout le monde de la Tech et des banques, parce que les syndicats se sont renforcés et


imposent désormais une transparence sur la diversité, les égalités de salaires homme-femme, ou encore le nombre d’heures travaillées ; informations qui étaient rarement disponibles


jusqu’ici. Apple a indexé 10 % du bonus de son dirigeant sur des critères sociaux. COMMENT RÉAGISSENT LES ENTREPRISES FRANÇAISES ? On constate aussi que les entreprises du CAC 40 prennent le


contrepied. Elles n’ont pas attendu la mise en œuvre de la directive CSRD pour exposer le volet extra-financier de leur stratégie globale, et ce d’une façon aussi méthodiquement organisée


que leur performance financière. Lire aussi Elles continueront, car elles sont déjà allées bien au-delà. En moyenne cette année, 141 pages du rapport annuel sont consacrées à l’explication


des stratégies, des leviers et des instruments de mesure en matière de protection du climat, de préservation de l’eau, de suppression du plastique, ou encore d’égalité de salaires


homme-femme ou de respect des droits humains dans toute la chaîne de sous-traitance. Pourquoi ? Parce qu’au bout de la chaîne de communication de l’entreprise, il y a l’épargnant, qui exige


de placer son argent d’une façon qui ait du sens ; il y a aussi le client, qui de plus en plus souvent boycotte les produits irrespectueux de l’environnement ou des droits de l’homme, par


exemple ; il y a l’étudiant qui intègre ces critères quand il choisit son premier job ; il y a les parents de l’étudiant, qui veulent offrir un monde meilleur à cette génération, et qui pour


cela va arrêter d’acheter de l’eau minérale en bouteilles de plastique. Le reporting extra-financier, ce n’est pas destiné qu’aux autorités administratives, c’est un exercice de


communication bien plus large. > Un lien est fait depuis longtemps entre la rémunération des > dirigeants et les performances ESG QUI SONT LES TRÈS BONS ÉLÈVES DE L’ESG ? Citons par


exemple les cas d’Airbus ou de Stellantis, qui n’avait nulle obligation de mettre en œuvre la loi transposant la directive CSRD, puisque leur siège est aux Pays-Bas. Ces grands groupes cotés


ont mis en place une batterie d’indicateurs leur permettant de se mettre aux meilleurs standards en matière de politique environnementale, sociale et de gouvernance (ESG). Ces rapports sont


illustrés, agréables à lire, pédagogiques. On y apprend par exemple, chiffres à l’appui, comment est mesurée la pollution d’un avion ; ou quels sont les enjeux précis de la voiture


électrique. CE PRINTEMPS, 37 DES ENTREPRISES COMPOSANT L’INDICE CAC 40 ONT POUR LA PREMIÈRE FOIS PUBLIÉ LEUR « ÉTAT DE DURABILITÉ ». QUE CONTIENT CE RAPPORT ? Plus de deux tiers des


indicateurs concernent la performance sociale. Outre les indicateurs historiques que sont la santé, la sécurité ou le nombre d’heures de formation, certains rapports vont plus loin.


Schneider Electric suit ainsi la diversité d’âge. Legrand met l’accent sur l’emploi des jeunes. Hermès publie les écarts de rémunération femmes-hommes. Carrefour croise les données de


qualité de vie au travail avec les résultats d’enquêtes internes. Dassault Systèmes et Kering rendent compte de leurs pratiques sociales à l’échelle mondiale. LES PATRONS SONT-ILS PAYÉS EN


FONCTION LEURS PERFORMANCES EXTRA-FINANCIÈRES ? Oui, un lien est fait depuis longtemps entre la rémunération des dirigeants et les performances ESG. À Carrefour, un indice de 17 critères


influence la part variable. Legrand détaille la mécanique de suivi de la feuille de route RSE, qui impacte directement les bonus. À Teleperformance, les objectifs extra-financiers


s’appliquent à tous les bénéficiaires d’actions de performance. > En 2025, 56 % des questions d’actionnaires du CAC 40 ont porté > sur des sujets ESG QUID DE L’INFORMATION ET DES


CRITÈRES ENVIRONNEMENTAUX ? En matière environnementale, l’information comporte moins d’indicateurs qu’en matière sociale, mais ils sont très quantitatifs, ce qui rend les comparaisons plus


faciles. Toutes les entreprises du CAC 40 publient comme il se doit une trajectoire de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Mais les présentations sont différentes. L’Oréal vise


la neutralité à 2030, Danone à 2050. Schneider Electric expose un calendrier jalonné. Legrand ventile ses émissions (bâtiments, achats, logistique, usage), Edenred cartographie toute la


chaîne de valeur jusqu’aux clients. À Edenred, l’analyse couvre l’ensemble de la chaîne de valeur, jusqu’aux utilisateurs finaux. Lire aussi LA BIODIVERSITÉ EST-ELLE PRISE EN COMPTE ?


L’Association française des entreprises privées (Afep) qui réunit les très grandes entreprises françaises, s’est montrée, de longue date, vigilante sur ce sujet. Michelin publie un plan


d’action chiffré. Accor adapte ses priorités à ses implantations. Schneider Electric examine ses dépendances écosystémiques secteur par secteur. Legrand reste l’un des rares à faire du


plastique à usage unique un thème à part entière. QUE PENSENT LES ACTIONNAIRES DES CRITÈRES ESG, EST-CE IMPORTANT POUR EUX ? Les assemblées générales sont un révélateur : en 2025, 56 % des


questions d’actionnaires du CAC 40 ont porté sur des sujets ESG. Ces thèmes ont représenté un tiers du temps total d’échange, confirmant qu’ils sont désormais centraux. LES COMMISSAIRES AUX


COMPTES LES PRENNENT-ILS EN COMPTE AU MOMENT DE CERTIFIER LES BILANS ? Les commissaires aux comptes, pour la première fois chargés de vérifier ces données, ont produit des rapports


substantiels – jusqu’à 9 pages, c’est-à-dire davantage que pour leurs rapports financiers. Leurs travaux sont déjà riches : vérification de la qualité des données collectées, tests de


cohérence des trajectoires climatiques, recours croissant à des benchmarks sectoriels. Un nouveau cadre d’audit se met en place. Cependant, moins de la moitié des entreprises leur ont donné


la parole en assemblée. L’autre moitié n’a couvert que la partie financière.