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Le porte-voix des hypermarchés E.Leclerc n’a jamais reçu autant de coups de fil de politiques, appâtés par sa popularité. Sur les plateaux télés, les journalistes n’interviewent plus le
patron d’hypers, mais bien un « Elyséable ». Le fils du fondateur de l’enseigne jubile : _« Habituellement, on me parle du carburant et des petits pois. Là, on me pose enfin des questions de
macroéconomie ! Ça ne me déplaît pas. » _Hémisphère droit. « NOTRE ENSEIGNE N’ACCEPTERA JAMAIS DE FAIRE DE POLITIQUE » Alors, quand on lui annonce les résultats du sondage de Toluna Harris
Interactive pour _Challenges_, à travers lequel les Français lui font davantage confiance qu’à Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen, le ton se fait solennel : _« Ce résultat m’honore et me
responsabilise. » _Michel-Edouard Leclerc annonce :_ « Je cherche une voie pour faire passer, si ce n’est un programme, un projet collectif et fédérateur. » _De là à dire qu’il va rejoindre
l’arène politique ? _« Je ne sais pas là où je suis le plus utile ; j’y réfléchis par contre. »_ L’hémisphère gauche se réveille. Devoir se positionner sur les sujets qui divisent les
Français, de l’immigration à la GPA, quitte à se mettre à dos une partie de ses clients ? _« En tant que représentant de Leclerc, il n’a aucun intérêt à y aller, _tranche François-Xavier
Dudouet, sociologue des dirigeants à Paris-Dauphine et au CNRS. _En politique, on clive. Dans les magasins, on doit plaire à tout le monde. Il y a une antinomie. »_ Un poids lourd des
adhérents Leclerc s’agace : _« Notre enseigne n’acceptera jamais de faire de politique. Ce choix ne regarde et n’engagerait que Michel-Edouard Leclerc, seul. »_ « C’EST QUELQU’UN QUI SE
NOURRIT DE LA LUMIÈRE DES PROJECTEURS » La figure médiatique se raidit : _« Je n’ai pas le melon et ne veux pas entrer dans ce jeu. » _Tout à coup, il redevient le fils du modeste épicier de
Landerneau : _« Je m’appelle Leclerc. Incarner une marque, cela m’oblige. Dans mon bureau, j’ai une photo de mon père qui balaye devant son magasin. Derrière, il y a la phrase : « Ne jamais
oublier d’où l’on vient ». »_ Hémisphère gauche, dilemme insoluble. Mais qu’est-ce qui a poussé Michel-Edouard Leclerc, 73 ans, à sortir du bois, lui qui depuis près d’un demi-siècle
incarne E.Leclerc sur les plateaux ? _« Il est en train d’inventer sa vie d’après Leclerc »,_ juge un ex-patron d’enseigne. Le septuagénaire, via sa société de conseil, n’est plus qu’un
prestataire en communication pour le groupement. Ces dernières années, les rendez-vous avec les politiques ne sont plus assurés par lui, mais par l’adhérent Philippe Michaud, _« grand pacha
du vaisseau national E.Leclerc »_ selon MEL lui-même. L’inépuisable orateur a perdu de sa splendeur. _« C’est quelqu’un qui se nourrit de la lumière des projecteurs,_ explique un ancien
concurrent. _Alors, si les adhérents cessent de le rémunérer comme porte-parole, il ira à la présidentielle. Pas pour gagner, mais pour se rendre incontournable. » _Et continuer à écumer les
plateaux télés. « POUR LE BRETON QUE JE SUIS, LA CENTRALITÉ EST UNE ÉVIDENCE » Michel-Edouard Leclerc se défend de tout plan de carrière : _« Ce n’est pas ma vie qui a changé, c’est la
période. »_ Il argumente, citant le politologue Jérôme Fourquet :_ « La France s’est archipélisée et les archipels se radicalisent. Les discussions se résument aux aspects budgétaires, il
n’y a plus de dynamique fédératrice. On ne parle que de taxes aux Français, là où leur préoccupation est le pouvoir d’achat. Et les entrepreneurs qui ne s’expriment pas assez ne le font que
sur les sujets contraignants comme la fiscalité, pas sur un projet. »_ Alors, le porte-voix de la chaîne d’hypermarchés prépare ses propositions. Les salaires ? _« Il faut rapprocher le brut
du net pour redonner envie de travailler. »_ La décentralisation ? _« Cela permettrait de sortir de l’incapacité du politique à chercher des compromis. »_ La tirade prend des airs de
meeting : _« Quand on demande aux Français qui gagnent 1 700 euros par mois de repousser leur retraite, le tout sans stratégie à long terme, c’est inaudible ! »_ MEL, de droite ou de gauche
? L’anguille politique, enfant de la social-démocratie, explique se situer _« quelque part entre Le Drian et Méhaignerie »._ Rien de bien révolutionnaire chez ces deux figures du
centre-gauche ralliées au macronisme, tout comme dans les propositions du trublion médiatique. _« Pour le Breton que je suis, la centralité est une évidence »,_ sourit-il. DÉJÀ HÉSITANT EN
2017 Pourtant, pour faire de la politique, il faut oser cliver. Pas sûr que MEL en soit capable. _« Il a un côté chroniqueur sympa qui a un avis sur tout,_ tacle un concurrent. _La
politique, c’est autre chose. »_ Pas sûr, non plus, qu’il en ait envie. _« Son après-Leclerc, c’est sa passion pour l’art, la culture,_ ajoute une bonne connaissance. _Il n’a pas envie de
s’embêter avec le budget de l’Etat ! » _Patrick Leclerc, maire de Landerneau et cousin de Michel-Edouard, explique la pensée de la plupart de ses proches : _« Il coche beaucoup de cases pour
y aller, mais je ne suis pas sûr que ce soit son intention. » _Sans garantir le contraire. _Des affaires à la politique, les patrons des grandes entreprises en embuscade_ _« Il cherche à ce
que la phase de test de sa candidature dure le plus longtemps possible »,_ résume un acteur du secteur qui rappelle qu’il avait eu ce genre d’hésitations en 2017 puis l’an dernier aux
européennes. Il y a près de quarante ans, son père, le fondateur Edouard Leclerc, plusieurs fois candidat aux législatives, avait fait face à semblable dilemme, annonçant même sa candidature
à la présidentielle, avant de renoncer. Chez les Leclerc, il n’y a pas que le goût du commerce qui se transmet de père en fils.