Une multitude de projets dans le tgv mais on ne voit toujours rien: faut-il croire les futurs concurrents de la sncf?

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Evolyn, Proxima, Le Train ou encore Kevin Speed affichent des dates de lancement qui semblent incompatibles avec les réalités financières et/ou industrielles actuelles mais qui permettent


d'occuper le terrain médiatique. Explications. La concurrence dans le juteux marché du train à grande vitesse en France est encore bien timide. Excepté les filiales françaises de grands


opérateurs historiques européens, l'italien Trenitalia et l'espagnol Renfe, aucun nouvel entrant s'est encore lancé. Les projets sont nombreux, certains ont jeté


l'éponge (Railcoop, Midnight Trains), d'autres sont plus avancés que d'autres. Pour autant, la complexité de ce marché, tant en termes financiers (le ticket d'entrée se


situe au-dessus du milliard d'euros), industriels (la fabrication des trains) et réglementaires (accès au réseau, homologation des trains) freine les ambitions et provoque de nombreux


retards dans les calendriers. Pourtant, nombre de ces acteurs maintiennent aujourd'hui dans leur communication des dates de lancement qui semblent, au regard des observateurs, assez


optimistes. LE TRAIN: UN CALENDRIER "IRRÉALISTE"? L'entreprise souhaite lancer une LIAISON RÉGIONALE À GRANDE VITESSE et à haute fréquence entre les métropoles du Grand Ouest


(entre Bordeaux et Rennes via Nantes, La Rochelle et Tours). Elle a levé pas mal d'obstacles. Il y a un an, la compagnie annonçait une commande à l'espagnol Talgo de rames S106 à


grande vitesse avec "l'objectif d’ouverture des services pour l’exercice 2027", après avoir évoqué 2026 et même 2025 au début de l'aventure. Sauf qu'un an après,


impossible de savoir si le plan de financement est bouclé via un nouveau tour de table de 400 millions d'euros. Invité sur BFM Business il y a quelques semaines, Alain Gétraud, le


patron de l'entreprise maintenait pourtant son calendrier, assurant que ces trains sont "actuellement en phase d'homologation en France" et d'espérer les voir rouler


d'ici deux ans et demi ou trois ans, soit en 2027-2028. Cette déclaration laisse ainsi entendre que Talgo aurait commencé la fabrication des rames. Interrogé à nouveau par nos soins,


le dirigeant précise son propos: les rames S106 de Talgo sont bel et bien en cours d'homologation en France, mais pour la Renfe, pas pour Le Train. L'opérateur espagnol entend en


effet exploiter ces mêmes trains pour de nouvelles liaisons depuis Paris même si cette stratégie semble aujourd'hui en standby, tandis que l'homologation évoquée serait au point


mort. Le futur opérateur refuse de confirmer ou d'infirmer le début de la production. En réalité, Talgo a clairement indiqué qu'il ne bougerait pas le petit doigt tant que le plan


de financement n'est pas sécurisé. Et rien ne dit qu'il l'est. Difficile de croire que tout tiendra d'ici deux ou trois ans. Selon plusieurs experts et industriels du


marché interrogés, les délais "optimistes" sont de cinq ans et peuvent même atteindre sept ans en prenant en compte la fabrication et l'homologation avant l'exploitation


commerciale. De quoi repousser à 2030-2032 un éventuel lancement. Et d'estimer "irréaliste", le calendrier communiqué. En cause, des carnets de commande très remplis chez les


industriels européens et des freins persistants sur la chaîne d'approvisionnement. KEVIN SPEED: RIEN DE SIGNÉ AVEC ALSTOM MAIS UN LANCEMENT EN 2028 MAINTENU Annoncé il y a un an, le


projet de nouvel opérateur ferroviaire à grande vitesse baptisé Ilisto avec des liaisons vers Lille, Strasbourg et Lyon via une desserte des gares intermédiaires et une approche tarifaire


"abordable" avance mais est encore loin d'être bouclé. Interrogé par BFM Business, Laurent Fourtune, patron de Kevin Speed, annonce toujours l'objectif de se lancer vers


2028. Problème, l'opérateur cherche toujours à boucler un financement de 1,2 milliard d'euros. "On avance, les discussions avec les banques et les investisseurs sont très


avancées, on boucle le _pool _d'investisseurs", se contente de répondre Laurent Fourtune qui ne donne pas de perspectives de calendrier. L'opérateur affirme dans le même temps


s'être engagé à acheter 20 nouvelles rames Avelia Steam 300 à Alstom. Mais comme pour Le Train, si Alstom confirme des travaux préparatoires, aucune commande ferme n'a été signée,


précise-t-il à BFM Business. Comme Talgo, l'industriel français ne bougera pas tant que le plan de financement de Kevin Speed n'est pas bouclé. Comment alors toujours espérer se


lancer en 2028? "Le train est défini, sa simplicité réduit les temps de production, et il ne sera pas fabriqué en France mais sur un site européen d'Alstom qui est moins


chargé", explique Laurent Fourtune qui espère obtenir son homologation dans son pays d'origine puis en France avec les tests sur le réseau hexagonal. Là encore, un délai


raisonnable, si la production part cette année, serait de cinq ans, soit au mieux 2030-2031 pour un lancement commercial. PROXIMA: UNE ANNONCE UN PEU PRÉCIPITÉE PROXIMA, ce nouvel opérateur


ferroviaire qui entend se lancer en 2028 vers Bordeaux, Rennes, Nantes et Angers depuis Paris, est certainement le nouvel entrant le plus avancé. Non seulement il a les fonds, avec 1


milliard d'euros levés auprès d'Antin Infrastructure, mais il a aussi signé un contrat en bonne et due forme avec Alstom pour 12 rames Avelia Horizon (850 millions d'euros).


En mars dernier, Rachel Picard, à la tête de la compagnie a même créé la surprise en déclarant lors d'un événement public: "on met en service (en 2028, NDLR) 12 rames d'Alstom


qui sont en début de construction, ça démarre là très vite". Une affirmation un peu rapide. Interrogé, Alstom nous confirmait que la production des rames en tant que telle n'a pas


commencé. De son côté, un porte-parole de Proxima expliquait que les travaux sur la "conception" du futur train ont commencé avec Alstom mais sans que la production ait commencé.


Là encore, le délai de 2028 apparaît un brin optimiste. Notamment quand on connaît les retards de livraison déjà observés chez plusieurs clients d'Alstom, dont SNCF Voyageurs avec le


TGV M (qui est une déclinaison de la plateforme Avelia Horizon) commandées il y a neuf ans à 115 exemplaires et dont les premières rames ne circuleront pas avant début 2026 (elles étaient


attendues au départ fin 2023). EVOLYN: DES TRAINS SOUS LA MANCHE IMAGINAIRES Fin 2023, Evolyn, un consortium piloté par Mobico, un transporteur britannique dont la famille espagnole Cosmen


est le principal actionnaire, annonçait avoir commandé à Alstom 12 trains à grande vitesse afin de lancer d'ici à 2026 un service commercial dans le tunnel sous la Manche. Problème,


cette cette commande est parfaitement imaginaire. Dans un communiqué publié 24 heures après, Alstom dément sèchement toute commande et même tout contrat. "Alstom et Evolyn ont conclu un


accord de courte durée pour démarrer un travail préparatoire d’ingénierie du système de train, avec l’objectif de poursuivre ce travail dans l’hypothèse où les deux entreprises signeraient


un contrat pour l’achat et la livraison d'un certain nombre de trains, à condition qu'Evolyn soit en mesure d'assurer le financement du projet" peut-on lire. "En ce


qui concerne les dates de livraison potentielles des nouveaux trains, à ce stade les dates de livraison définitives des trains ne pourront être confirmées qu’ultérieurement, lorsqu'un


accord ferme et définitif sera conclu et un contrat signé" poursuit l'industriel français sans apporter plus de détails. En début d'année, Alstom nous indiquait que le dossier


n'avait toujours pas évolué... OCCUPER LE TERRAIN Pourquoi autant de décalage avec la réalité économique et industrielle de ces projets? Pourquoi prendre le risque de susciter des


questions sur la crédibilité des projets? Le temps de la communication se heurte au temps ferroviaire, bien plus long. Pour autant, la communication est aujourd'hui essentielle pour


exister, occuper le terrain médiatique, pour rassurer les investisseurs, ou en convaincre puisque de nombreux plans de financement ne sont pas bouclés, ou encore les partenaires, et les


futurs clients. "Les nouvelles entreprises ferroviaires souhaitent commencer à faire connaitre leur marque et offres auprès des futurs usagers. Ils doivent se faire une place à côté de


la marque historique SNCF qui est très forte. Les clients occassionnels, peu connaisseurs du secteur, auront longtemps le réflexe SNCF", estime ainsi Julien Joly, espert Transports pour


le cabinet Wavestone. Olivier Chicheportiche Journaliste BFM Business