"Abus de langage" ou "accélération de cadence": deux ans après l'appel de Macron, où en est l’économie de guerre?

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BFMTVEconomieEntreprisesDéfenseDéfense"Abus de langage" ou "accélération de cadence": deux ans après l'appel de Macron, où en est l’économie de guerre?Le 25/03/2024 à 10h11 - mis à jour le


25/03/2024 à 16h14PartagerPartagerWhatsappLinkedInMailmessengerLancée par Emmanuel Macron en juin 2022 sur le salon Eurosatory, la stratégie d'économie de guerre de la France est souvent


critiquée malgré des efforts inédits des industriels. Un point sur ce dossier complexe.


13 juin 2022, quatre mois après l'invasion de l'Ukraine par la Russie en inaugurant au au parc des expositions de Villepinte le salon de l'armement Eurosatory, Emmanuel Macron appelle les


entreprises françaises de l'armement à se mobiliser pour produire plus, plus vite et mieux.


Cette économie de guerre visait même à réquisitionner les entreprises du civil à participer à cet effort au moyen d'une réquisition s'il le fallait. Ce plan a même été gravé dans la loi de


programmation militaire (LPM) 2024-2030 d'un montant de 413 milliards d'euros en hausse de 40% par rapport à la précédente. Cette LPM fait passer le budget annuel des armées de 43,9


milliards d'euros en 2023 à 69 milliards d'euros d'ici à 2030. Il était de 32 milliards en 2017.

"Tenir dans la durée"


Ces moyens importants n'ont qu'un but, "permettre de préparer notre outil militaire aux conflits futurs et à tenir dans la durée", explique le ministère des Armées dans un document destiné à


préciser les grandes orientations de la LPM.


Ce message s'adresse aux 4.000 entreprises françaises de la BITD (base industrielle et technologique de défense) parmi lesquelles MBDA, Airbus, Safran, Thales, Naval Group, Dassault, Nexter,


ArianeGroup et le CEA. Ces pépites industrielles emploient 200.000 salariés et 10% d'entre elles sont considérées comme "stratégiques" par l'Etat. Deux ans après l'annonce du chef de


Armées, ont-elles réussi à accélérer les cadences pour entrer en mode "économie de guerre"?


Le ministère des Armées suit personnellement cette évolution. Il a récemment fait un point précis sur l'accélération de la production d'armement par les industriels français. Au début du


conflit ukrainien, seulement deux canons Caesar sortaient chaque mois des ateliers de KNDS. L’entreprise en assemblera huit en ce début d’année prochaine permettant à l'armée de Terre de


reconstituer ses stocks avec un an d'avance. Sur les 30 Caesar envoyés en Ukraine, 18 Caesar avaient été prélevés sur les stocks des armées.

"Cette accélération de cadence est le succès


le plus probant de l’économie de guerre voulue par le président de la République", constate le ministère des Armées.


Pour les munitions, notamment les obus de 155 mm du Caesar, KNDS a mis les bouchées doubles. Entre janvier 2023 et janvier 2024, la production mensuelle a été triplée pour passer à 3.000 en


janvier 2024. Côté missiles, si des efforts restent à faire sur les Aster, MBDA a fait passer la cadence de production des Mistral de 20 à 40 par mois. Idem chez Thales qui a doublé la


production des GM200, des radars antiaériens de moyenne portée.


Enfin, Dassault Aviation, est passé d'un rythme de production de un à trois Rafale par mois pour répondre à un important carnet de commandes. Cette accélération vise aussi à honorer au plus


vite la commande passée en début d'année par le ministre des Armées pour 42 avions de combat pour atteindre en 2032 le nombre total de 234 Rafale au sein de ses forces.

Un effort de


guerre insuffisant?


Malgré les efforts incontestables fournis en deux ans par toute la chaîne de production depuis les TPE jusqu'au plus grand groupe d'armement, beaucoup doutent d'une véritable entrée dans une


économie de guerre.


Un rapport du Sénat publié en janvier dernier s'interroge sur ce point. Dans ce document, Cédric Perrin, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces


armées, regrettait que les promesses d'Emmanuel Macron en 2022 ne se réalisent pas.


"Cette économie de guerre n'est pas à la hauteur des attentes. Ce n'est pas le terme approprié. Les mots ont un sens. C'est un abus de langage", lançait le Cédric Perrin lors de la


présentation de ce rapport intitulé "Pourquoi l'avenir de l'Europe se joue en Ukraine".


Le 13 mars, dans une tribune piquante, le sénateur Claude Malhuret, également membre de cette commission, estimait aussi que l'effort de la France en matière d'armement reste insuffisant.


"L'économie de guerre (...) suppose deux conditions: multiplier les commandes d'armement et préparer d'autres sites de production. Ces conditions ne sont pas encore réunies", note-t-il en


pointant la part de la défense dans le PIB de la France (2.600 milliards d'euros) qui atteindra cette année 2%. Ce palier est le minimum requis demandé par l'Otan aux pays membres de


l'Alliance.

"En comparaison d'autres pays par rapport à leur PIB, elle n'est pas encore suffisante", estime Claude Malhuret.


Peut-on résumer une économie de guerre à une part du PIB?

"Il n'y a pas de définition standardisée, comme il y en a une pour l'hyperinflation, par exemple. Ce n'est pas le pourcentage du


PIB qui la définit", note Sylvain Bersinger, consultant pour le cabinet Asteres.Pas de "quoi qu'il en coûte pour l'Ukraine"Le consultant rappelle par exemple qu'"il y 40 ans, 4% du PIB


français était consacré à l'armement et nous n'étions pas en économie de guerre".


Il note aussi que pendant la Seconde Guerre mondiale, la défense représentait 40% du PIB des Etats-Unis. Malgré tout, Sylvain Bersinger estime que la France est loin d'être pleinement


mobilisée pour faire face à un risque de guerre de la même intensité que celle entre la Russie et l'Ukraine.