Ne bis in idem : après wildenstein et cahuzac, une qpc thévenoud ?

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Ne bis in idem : après Wildenstein et Cahuzac, une QPC Thévenoud ? - Actu-Juridique PARTAGER CET ARTICLE Publié le 03/01/2018 Condamné en première instance à trois mois de prison avec sursis


pour fraude fiscale et un an d’éligibilité, Thomas Thévenoud a soulevé lors de son procès en appel le 6 décembre dernier une QPC qui, si elle est transmise, donnera l’occasion au Conseil


constitutionnel de préciser sa jurisprudence sur le principe de nécessité des peines en matière fiscale. L’omission de déclaration fiscale, prévue à l’article 1741 du Code général des


impôts, entre-t-elle ou non dans la catégorie des infractions fiscales susceptibles de donner lieu à des doubles poursuites administratives et pénales ? Telle est en substance la question


que Thomas Thévenoud entend poser au Conseil constitutionnel à l’occasion de son affaire. Il l’a fait une première fois, le 19 avril 2017, lors de son procès en première instance, mais le


tribunal correctionnel de Paris l’a rejetée. Il l’a donc soulevée de nouveau le 6 décembre dernier à l’ouverture de son procès en appel. Fait inédit, la cour, présidée par Dominique Pauthe,


a décidé que l’affaire serait évoquée malgré la QPC et que toutes les décisions seraient prononcées à l’issue d’un seul et même délibéré. Quel traitement pour l’omission de déclaration ? Si


la QPC est intéressante, c’est qu’elle est susceptible de compléter la réponse apportée par le Conseil constitutionnel à la question des doubles poursuites en matière fiscales. Dans ses


décisions n°s 2016-545 et 2016-546 du 24 juin 2016 relatives aux affaires Wildenstein et Cahuzac, le Conseil a considéré que les doubles poursuites en matière fiscale n’étaient pas


contraires à la Constitution, pour peu que l’intéressé n’ait pas été définitivement déchargé de l’impôt par une décision juridictionnelle devenue définitive et à condition de ne concerner


que les affaires les plus graves de dissimulation frauduleuse. Mais ces décisions n’ont été prononcées que dans un seul des cas de fraude énumérés par l’article 1741 du CGI. Or celui-ci vise


en effet : « Quiconque s’est frauduleusement soustrait ou a tenté de se soustraire frauduleusement à l’établissement ou au paiement total ou partiel des impôts visés dans la présente


codification, soit qu’il ait volontairement omis de faire sa déclaration dans les délais prescrits, soit qu’il ait volontairement dissimulé une part des sommes sujettes à l’impôt, soit qu’il


ait organisé son insolvabilité ou mis obstacle par d’autres manœuvres au recouvrement de l’impôt, soit en agissant de toute autre manière frauduleuse, est passible, indépendamment des


sanctions fiscales applicables, d’une amende de 500 000 € et d’un emprisonnement de cinq ans ». Les affaires Cahuzac et Wildenstein ont amené le Conseil constitutionnel à traiter des doubles


poursuites dans l’hypothèse d’une dissimulation volontaire d’une part des sommes sujettes à l’impôt. Or les époux Thévenoud sont poursuivis sur le fondement du même texte mais pas de la


même fraude, puisque leur cas relève de l’omission de déclaration. D’où la nécessité aux yeux de la défense d’interroger le Conseil constitutionnel pour savoir ce qu’il pense des doubles


poursuites en matière d’omission de déclaration. Extinction de l’action publique La défense a également soulevé l’extinction de l’action publique, tant au regard du principe de nécessité des


peines tel que défini par le Conseil constitutionnel que sur le principe ne bis in idem tel qu’interprété par la CEDH dans les dossiers de doubles poursuites administratives et pénales. À


supposer en effet que la Cour considère que la décision du Conseil vaut pour l’ensemble de l’article 1741, alors elle devrait appliquer la réserve d’interprétation selon laquelle les doubles


poursuites ne sont admissibles que dans les cas de dissimulation les plus graves. Or les époux Thévenoud ont par négligence omis de renvoyer leur déclaration fiscale, ce qui ne constitue


pas une dissimulation et encore moins une dissimulation grave aux yeux de la défense. D’un point de vue européen, l’arrêt A et B c/ Norvège du 15 novembre 2016 a certes nuancé l’application


du principe de ne bis in idem à la matière fiscale telle qu’elle ressortait de Lucky Dev. c/ Suède du 27 novembre 2014, en admettant la possibilité d’un cumul de poursuites, mais à condition


que ce cumul forme un tout cohérent, ce qui suppose un lien matériel et temporel étroit entre les deux procédures. Et elle s’en explique dans l’arrêt Jóhannesson et autres c/ Islande du 18


mai 2017, en considérant que ce lien n’est pas établi dès lors que les procédures fiscales puis pénales ne sont conduites de concert que durant un an et que la décision de poursuivre


pénalement est intervenue 15 à 16 mois après la décision administrative de sanction. Or la défense de Thomas Thévenoud souligne que les époux Thévenoud étaient à jour de leurs déclarations


et paiements au 1er septembre 2014 (concernant des faits relatifs à la période 2009-2013) alors que la citation devant le tribunal correctionnel n’a été signée par le parquet que le 21


septembre 2016. Même à la date de saisine de la Commission des infractions fiscales, soit le 16 décembre 2014, les époux Thévenoud étaient déjà en règle. Il n’y aurait donc pas de cohérence


dans la volonté répressive, mais une action pénale mise en œuvre pour des raisons purement politiques. La cour d’appel de Paris rendra ses deux arrêts, l’un sur la transmission de la QPC


l’autre sur le reste des arguments, le 30 janvier 2018 à 9 heures. Référence : LPA 03 Jan. 2018, n° 132q1, p.4 Référence : AJU57326 Copier dans le presse-papier