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Dimanche matin, l’armée israélienne a commis un nouveau massacre. Sur l’un des points de distribution de l’aide alimentaire, l’armée a ouvert le feu sur la foule affamée. Les tirs ont fait
au moins 31 morts et plus de 170 blessés, d’après un bilan provisoire qui s’alourdit d’heure en heure.
Alors que la précédente distribution, mardi dernier, a provoqué un vaste mouvement de foule, Israël profite désormais des distributions pour commettre de nouveaux massacres. Une situation
dont la presse, et notamment Médiapart et Le Monde en France minimise la portée, critiquant Israël pour son incapacité à organiser correctement ces distributions alimentaires, sans que le
dispositif lui-même ne suscite la moindre indignation.
Construites sur le modèle d’un centre concentrationnaire dans lequel les Gazaouis affamés doivent attendre dans des corridors barbelés avant d’être dûment identifiés pour recevoir leur
ration, ces installations ont été volontairement bâties au sud de l’enclave : après avoir rasé la totalité de l’agglomération de Rafah, l’armée israélienne tente d’y concentrer les Gazaouis.
Alors qu’Israël ne laisse passer qu’un nombre extrêmement faible de camions humanitaires dans la bande, il ne s’agit ni plus ni moins que d’entretenir la famine pour pousser des centaines de
milliers de Gazaouis à se déplacer eux-mêmes en direction du sud. Pire encore, le fichage des Gazaouis sur les points de distribution, à l’aide de technologies de reconnaissance faciale,
fait craindre qu’Israël n’établisse une liste des survivants, à déporter voire à exécuter lors d’une phase ultérieure des opérations en cours. Ces premières distributions visent
vraisemblablement à tester le plan élaboré par l’armée avant de le mettre en œuvre dans sa totalité, comme l’écrit le journaliste palestinien Rami Abou Jamous, qui vit dans le nord de la
bande, dans le journal de bord qu’il tient sur Orient XXI :
Ils veulent instaurer de nouvelles mesures de sécurité, et surtout lancer le vrai dispositif destiné à attirer vers le Sud ceux qui, comme moi, vivent dans le nord de l’enclave, et ce en
créant plusieurs centres de distribution d’aide alimentaire. Le plus proche devrait être installé à l’intérieur du corridor de Netzarim, qui coupe la bande de Gaza en deux à quelques
kilomètres au sud de la ville de Gaza. Mais ce sera un déplacement à sens unique, a prévenu l’armée israélienne. Ceux qui, venant du nord, pénétreront dans le corridor pour recevoir de
l’aide alimentaire ne pourront pas faire demi-tour. Ils ne pourront aller que vers le sud. Voilà, c’est toujours la même stratégie de guerre psychologique : prétendre qu’ils sont en train de
nous sauver en nous donnant à manger, tout en nous détruisant.
Comme à son habitude, Israël nie toute responsabilité dans le massacre. Alors que l’état-major affirmait qu’il n’avait tout simplement pas entendu parler de coups de feu, hier matin, l’armée
indique désormais que ce sont des Palestiniens qui sont responsables de la fusillade, images à l’appui. Problème : la vidéo montre en réalité un pillage à Khan Younès, et non Rafah, commis
par des gangs soutenus par Israël.
Une grossière opération de propagande que les vidéos du massacre achèvent de réfuter. Sur l’une d’elles, l’on voit des dizaines de Palestiniens se jeter au sol pour éviter d’être fauchés par
une rafale de mitrailleuses. D’autres images font état d’un vaste mouvement de panique et montrent les blessés.
Cette rhétorique inlassablement martelée par l’état-major vise en réalité à dissimuler la famine génocidaire qu’Israël impose aux Gazaouis. Depuis plusieurs mois, l’armée accuse en effet
l’ONU de ne pas être capable de récupérer les camions humanitaires qu’elle laisserait pourtant rentrer dans l’enclave, voire d’être complice de bandes de pillards qui visent les convois.
Or, comme le notent plusieurs observateurs, dont l’historien Jean-Pierre Filiu, dans un livre qui revient sur son voyage dans la bande de Gaza, il est désormais manifeste qu’Israël arme,
protège et finance des bandes de pillards qui sévissent dans les zones sous son contrôle pour empêcher les camions humanitaires de parvenir aux ONG et aux Gazaouis. Dans la nuit du 22 au 23
décembre, Filiu rapporte qu’un convoi de l’ONU, qui suivait un nouvel itinéraire, a été pillé grâce à l’aide active de l’armée israélienne - après avoir visé des gardes affectés à la
surveillance du parcours, l’armée mobilise des drones :
Quelques heures plus tard, lorsque des pillards attaquent les camions d’aide humanitaire et rencontrent une forte résistance, des drones israéliens viennent leur prêter main-forte, tuant six
des gardes de sécurité. Les militaires israéliens immobilisent en outre la moitié du convoi, ce qui facilite encore plus la tâche des coupeurs de route. Une vingtaine de camions sont ainsi
dérobés, une performance impossible à réaliser sans une forme de complicité israélienne dans les airs [1].
D’après l’historien, présent à Gaza, le même scénario se répète le 4 janvier 2025, date à laquelle un drone israélien attaque l’escorte d’un convoi. D’après une enquête du Washington Post,
Israël aurait en effet confié à un notable de Rafah le soin de monter un gang de pillards : Yasser Abou Shebab et ses hommes, équipés d’armes dernier cri, agissent dans les zones sous
contrôle israélien, dans une impunité totale. Alors que l’armée israélienne massacre quiconque pénètre dans la zone tampon, que l’armée a transformée en « kill zones », donnant l’ordre à ses
soldats de tirer à vue sur quiconque se trouverait dans leur champ de vision selon Haaretz, Israël soutient activement cette milice, jusqu’à viser les convois onusiens pour leur faciliter
le travail.
La famine s’inscrit ainsi dans un dispositif génocidaire minutieusement élaboré : si la pression internationale force Israël à ouvrir les portes de Kerem Shalom, l’armée dispose de ses
propres proxies pour s’assurer que l’aide ne parvienne jamais à bon port. Tandis que la famine ravage la bande, les « points de distribution » visent à attirer la population au sud et
constituent ainsi un rouage à part entière de la deuxième phase des opérations en cours, au cours de laquelle l’ensemble de la population doit être déplacé vers le sud, avant sa déportation
ou son extermination.
Alors qu’Israël accélère ses plans génocidaires, il est plus urgent que jamais de se mobiliser, pour dénoncer la complicité des puissances impérialistes avec Israël et mettre fin au
génocide. Si certains dirigeants européens retournent leur veste et émettent des critiques extrêmement lâches des opérations d’Israël à Gaza – de crainte qu’elles ne déclenchent
potentiellement des processus de résistance partout au Moyen-Orient –, elles continuent dans les faits de soutenir le génocide, en criminalisant notamment toutes les voix qui dénoncent les
massacres en cours.
Tandis que la Freedom Flotilla s’élance en direction des eaux gazaouies, sous la menace des drones et des destroyers israéliens, pour briser le blocus de Gaza, les mobilisations repartent
partout dans le monde. Il est urgent de faire changer de ligue au mouvement : les directions syndicales doivent rompre avec leur passivité et jeter toutes les forces du mouvement ouvrier
dans la bataille, à l’image des initiatives des dockers de Fos-sur-Mer qui ont bloqué des cargaisons d’armes à destination d’Israël.
[1] Jean-Pierre Filiu, Un historien à Gaza, Paris, Les Arènes, 2025, p. 44.